L’Identité

L’Identité

03
Avril
20 25
PHILOSOPHIE TOUT PUBLIC
REPLAY

Présentation

Présenté par Raphael Zagury-Orly, Philosophe

Avec Pierre Guenancia, Philosophe

Paul Audi, Philosophe

Judith Revel, Philosophe

Marie Garrau, Philosophe

Comme sur certains flacons de substances chimiques, sur le mot «Identité» est collée une étiquette: «Attention danger – Manier avec précaution». Jamais en effet une notion n’a été aussi apte à enflammer soudainement les esprits et provoquer non des prises-de-bec mais de véritables affrontements. Pourtant elle ne semble pas, de prime abord, toxique. L’identité, c’est tout ce qui rend une entité définissable et reconnaissable, au sens où elle possède un ensemble de qualités ou de caractéristiques qui la distingue d’autres entités. En d’autres termes, l’identité est ce qui rend deux choses une seule chose, «identiques» donc, ou bien les rend différentes. Dans les sciences sociales ou ethno-anthropologiques, le concept d’identité se relie, d’une part, à la façon dont un individu se considère et se construit lui-même en tant que membre de tel ou tel groupe social, nation, classe, religion, ethnie, genre, profession, etc., et, d’autre part, à la manière dont les normes qui régissent ces groupes lui permettent de se penser, se situer, se lier aux autres, aux groupes auxquels il appartient, et, par des voies parfois plus tortueuses, aux groupes «extérieurs», perçus comme altérité. Alors pourquoi est-il si sulfureux? Eh bien parce qu’on le saisit selon des modalités politiques différentes, des idéologies ou des «conceptions du monde» différentes. Dans une optique de droite, conservatrice, populiste ou souverainiste, l’identité sera définie comme un ensemble cohérent et soudé d’éléments normatifs partagés, «objectivement» déterminables et enracinés dans une longue tradition. Alors qu’une approche de gauche, plus progressiste, offrira une conception plurielle et fragmentée de références objectives, qui servent à différencier individus ou sous-groupes et qui doivent être valorisés et respectés de façon inclusive: les identités relèvent alors de la reconnaissance des particularités revendiquées par chacun(e) ou de l’apparition de caractères mobiles qui jouent à un moment donné un rôle prévalent, la profession ou le genre, la religion ou les préférences axiologiques, l’activité sportive ou l’ethnie. Loin d’être une et cimentée dans la tradition, comme dans la premier cas, l’identité, dans le second, sera variable: je suis tantôt un professeur, tantôt un métis, tantôt un footballeur, tantôt un protestant, tantôt une personne timide, tantôt un cinéphile, etc…

Ceci dit, il est bien d’autres façons de définir l’identité, selon les domaines considérés. En algèbre, notamment, elle sera l’égalité entre deux expressions qui se révèle valide quelles que soient les valeurs prises par les variables qui y apparaissent, par exemple: (x + y)2 = x 2 + y 2 + 2xy. En psychologie, l’identité est une des caractéristiques formelles du Moi, qui sent sa propre mêmeté et sa continuité dans le temps comme centre du champ de sa conscience, autrement dit le sens et la conscience de soi comme entité distincte et continue (qui peuvent se perdre dans certains troubles psychiatriques). Et ainsi de suite… L’identité est devenue une notion brûlante lorsqu’en sciences sociales on a commencé à parler d’identité collective, devant, entre autres, la réémergence de conflits ethniques dans maintes sociétés occidentales, entre les années 60 et 70, et l’apparition sur la scène sociale de mouvements dont la base était moins la classe sociale, comme le pronait le marxisme, que par exemple des différences générationnelles ou sexuelles, et qui exigeaient d’autres approches à la fois des logiques de l’action commune et des nouveaux liens d’appartenance. Les premières oppositions apparaissent alors: dans un camp, on entend l’identité collective comme quelque chose d’immuable, de «naturel», d’éternel, que l’on solidifie par l’édification de mythes et de symboles communs, des rites de célébration et des commémorations, de l’autre on la conçoit comme élaboration culturelle, contingente, comme construction historique, sujette au changement, à la «ré-formulation». Or, si l’identité renvoie à une «completude», à une «pureté» interne, elle impliquera le retrait, la protection, la méfiance, les frontières et les murs, l’éloignement et la mise à l’écart de toute altérité, de toute différence, la célébration du soi et la malédiction de tous les autres, les « ennemis », vécus comme menace mortifère, et dont l’intégration désintégrerait la communauté d’identiques. Mais si l’identité n’est ni «naturelle», ni substantielle, mais relationnelle, si elle a une matrice allogène, si elle est faite d’apports, d’intégrations, d’inclusions, de contributions souvent imprévisibles, d’hybridations, alors elle laissera le groupe, la communauté et la société toujours ouvertes, accueillantes, dynamisées par la présence des uns et des autres, aussi différents soient-ils.

Robert Maggiori

Aller sur le site de l'événement

CONTENU SIMILAIRE

REPLAY
La vérité sur le divan

La vérité sur le divan

13
Juin
20 25
Présenté par Judith Revel, philosopheAvec Isabelle Alfandary, auteure et professeureStéphane Habib, psychanalyste et philosopheLaurie Laufer, psychanalyste et professeure de psychanalyseIl s’en passe des choses, sur un divan. Mais pas celles qu’on croit. Les jeux n’y sont que de mots, une parole en sort, tantôt jaillissante et irréfrénable, tantôt hésitante, tremblotante, entrecoupée de silences et de sanglots, une écoute en naît, rarement distraite, flottante et attentive. Qu’est-ce qui se noue, ou se dénoue, dans cette étrange conversation ? Le divan entend et voit tout: les mots, les silences, les notes, les tics, les mouvements du corps de l’analyste, les mots, les silences, les mouvements du corps couché de l’analysant, ses histoires, ses récits, ses rêves, ses lapsus, ses associations libres, l’expression de ses émotions, de ses désirs, de ses hantises, de ses gouts et dégouts, de ses peurs, ses résistances, ses espoirs, ses projets… Perçoit-il aussi, le divan, l’émergence au fil des séances d’une « vérité » ? Devient-il le lieu où thérapeute et analysé(e) se modifient l’un l’autre et accèdent chacun(e) à une plus nette conscience de ce qu’ils sont ? Est-il l’«assise» sur laquelle le «patient» se redresse et se reconstruit, se fait sujet, en consentant aux « vérités » que son inconscient lui révèle, en acceptant d’être ce qu’il est devenu et de devenir ce qu’à présent, par lui-même, il sait pouvoir devenir ?
Proposé par : Rencontres Philosophiques de Monaco
PHILOSOPHIE
Tout public
FR
REPLAY
La difficulté de dire et de faire entendre la vérité

La difficulté de dire et de faire entendre la vérité

12
Juin
20 25
FemmesPrésenté par Laurence Joseph, psychologue et psychanalysteAvec Florence Askenazy, psychiatre et professeure de psychiatrieSoinPrésenté par Robert Maggiori, philosopheAvec Flora Bastiani, philosopheDr. Jean-François Ciais, Chef de Service de Soins de Support et Soins Palliatifs du CHPGQuand la vérité « éclate », elle le fait non comme fusil qui vise une cible, mais comme un engin de terreur, qui, aveugle, explose tous azimuts, frappant tout le monde de ses éclats - une famille, une foule, une communauté, une société. C’est pourquoi, difficile à dire quand son détenteur en sait l’importance et évalue bien les conséquence de son dévoilement, la vérité est encore plus difficile à entendre, lorsqu’elle balaie tout ce à quoi on croyait et tout ce avec quoi on avait construit son existence. En ce sens, la difficulté de dire la vérité décroît si sa révélation s’accompagne de la conscience que la personne (ou le groupe, la communauté…) qui la reçoit est « armé » pour la recevoir, c’est à dire est capable d’intégrer les éléments révélés dans la construction de sa propre vie (ses valeurs, ses perspectives, ses espoirs…) ou celle du groupe concerné. La difficulté apparaît plus grande au contraire quand la vérité - ou la réalité d’un fait, une trahison, une maltraitance, une humiliation… - « ne peut pas » être entendue parce que cette capacité fait défaut: c’est le cas de l’enfant par exemple, qui pourrait ne pas avoir la force intellectuelle ou la résistance émotionnelle pour «entendre» et assimiler l’annonce du divorce imminent de ses parents ou de la disparition d’un camarade de classe; le cas d’une femme qui subit des violences qu’elle n’arrive ni à avouer ni à dénoncer parce que l’emprise subie maintient encore une part d’attachement, ou parce qu’elle ne parvient pas à faire que la honte champ de camp ; le cas d’un individu à peine inquiet de quelques troubles de son comportement qui découvre le diagnostic d’une sérieuse maladie mentale; le cas d’une personne dont la vie est précaire et le psychisme vulnérable, à qui un médecin doit révéler une maladie cancéreuse, ou encore le cas d’un patient en soins palliatifs, qui se trouve dans l’impossibilité d’inscrire ce qu’on peut lui dire dans une temporalité, le futur des projets. La vérité serait-elle comme le soleil, qu’on ne peut « regarder en face » ?
Proposé par : Rencontres Philosophiques de Monaco
PHILOSOPHIE
Tout public
FR
REPLAY
Les secrets de famille

Les secrets de famille

11
Juin
20 25
Présenté par Claire Marin, philosopheAvec Laurence Joseph, psychologue et psychanalysteVanessa Springora, écrivaine et éditriceDe quoi sont pleines les vieilles armoires en noyer héritées des grands-parents, qui eux mêmes l’avaient eue de leurs parents ? De squelettes, de fantômes, d’ombres - et de secrets de famille, enveloppés dans des draps poussiéreux avec les souvenirs tus de mensonges, de trahisons, d’infidélités, d’abandons, de maladies cachées, de violences, de saloperies, d’exactions inavouées et inavouables… Les secrets de famille ne sont jamais mangés par les mites ni réduits en cendres: ils sont comme des braises qui ne se consument guère et qui ne se muent en lave brûlante qu’à l’air libre de la révélation et du scandale, et acquièrent alors la puissance d’une terre de feu coulant vers la famille et sur la famille comme un fleuve irrésistible. Etouffés, murés, les secrets de famille sont comme les non-dits de la transmission transgénérationnelle, tels qu’ils altèrent, hantent ou biaisent - comme le feraient une absence, un manque inconscient, une perte insoupçonnée - le rapport à soi-même et aux autres, la construction de soi, la fabrique de l’autonomie et de l’identité. Ceux et celles qui les gardent avec zèle, gagnent le pouvoir et en tiennent les rênes, contrôlant ainsi - ou croyant protéger - les places assignées des individus et l’ordre de la famille. Ceux et celles qui forcément les ignorent, et ignorent donc ce que l’inconscient familial a refoulé, vivent de guingois, obérés par quelque doute indéfini, des soupçons, un savoir insu, des souvenirs trop lointains, le sentiment diffus que quelque chose leur a été sciemment caché, et accèdent peut-être plus malaisément à la pleine connaissance de leur histoire, de leurs origines, de leur subjectivité - un peu comme cet individu qui ne marche plus normalement dans la rue parce qu’il a l’impression d’être suivi par quelqu’un, une ombre, un fantôme. Mais quand advient le scandale, quand le secret est percé ou révélé, quand l’armoire est renversée, tout change, souvent dans la douleur, tout le paysage social, toute la constellation des rapports, avec soi, avec la famille, avec les autres, avec le monde entier… Avant qu’en tête ne viennent d’autres doutes: mais a-t-on vraiment tout dit, tout révélé ?
Proposé par : Rencontres Philosophiques de Monaco
PHILOSOPHIE
Tout public
FR