La sécurité
CONFÉRENCE & RENCONTRE

La sécurité

12
Décembre
20 24
PHILOSOPHIE TOUT PUBLIC FR
PMR
La sécurité
Places gratuites avec réservation

Présentation

La sécurité n’a pas l’éclat de la liberté – ni de l’égalité, ni de la fraternité/sororité. Elle semble être une vertu du retrait, de l’abri, quand les autres sont d’ouverture et d’élan. Par sécurité, on peut entendre cette condition qui permet qu’on soit ou se sente protégé des dangers et des risques, ou bien qui donne la possibilité de prévenir, d’éliminer ou de rendre moins graves les dommages, les difficultés, les événements déplaisants, contrariants, fâcheux, néfastes. Dans l’empire romain, Securitas était la déesse garante de la sécurité publique et privée: elle était représentée sur les monnaies entourée de quatre attributs, le trône (hégémonie de Rome), la lance (combat contre les ennemis), la corne (prospérité) et la feuille de palmier (offrande de paix), et appuyée sur une colonne, dans une posture censée symboliser le calme et la «force tranquille». Mais le mot même de securitas est curieux, puisque, composé de sine (sans) et de cura (soin), il semble renvoyer à un sens contraire à celui qu’évoque la sécurité, qui n’est en effet pas entendue comme absence de soin, de prévenance ou d’attention. Aussi, comme le suggère Tacite dans ses Historiae, faudrait-il y voir quelque chose d’ «inhumain» (inhumana securitas), au sens où l’ absence de soin, d’attention, serait en réalité une absence de souci, une coupable indifférence devant le déploiement de la violence (la guerre civile à Rome en 69), sinon une certaine cécité à distinguer le bien du mal ou un carence totale du sens de la responsabilité – facteurs qui, unis, laissent prospérer… l’insécurité et les risques de danger. Bi-face, la securitas «laisse faire» et «soigne», autrement dit cherche à neutraliser tant les éléments de trouble, les exactions et les conflits que l’ «irresponsabilité» qui les rend efficients: c’est ce dernier sens qui a prévalu, et qui a fait que securitas rencontre libertas.

Quasiment toute l’histoire de la philosophie, de Machiavel à Hobbes, de Locke à Montesquieu, de Smith à Bentham, de Marx à Foucault, a tenté de penser le lien entre la sécurité et la liberté, en insistant sur le balancement entre les deux notions, le trop gros poids de la sécurité risquant de faire chuter la liberté, la valorisation extrême de la liberté risquant de bloquer les fonctions de la sécurité – entendue à la fois comme droit individuel, comme sécurité sociale (toutes les activités propres à la politique sociale: tutelle du travail, du revenu, de la santé, de l’environnement, de l’urbanisme et du bâtiment, de la circulation, de la communication, de l’instruction, de la culture, du temps libre, etc.) et comme sécurité ou «surêté» nationale.

Le lien complexe entre liberté et sécurité apparaît dans tout le constitutionnalisme moderne, sous diverses variantes. La première Constitution nord-américaine (Virginie, 1776) garantit la sécurité en vue de quelque chose d’encore plus désirable que la liberté: le bonheur – alors que la Déclaration française des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame que le but de toute association politique est la préservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme, à savoir la liberté, la propriété, la sécurité et la résistance à l’oppression – ce par rapport à quoi la déclaration thermidorienne de 1795 apparaît davantage de «gauche», qui juge que la sécurité « résulte du concours de tous pour assurer les droits de chacun ». Assurer la sécurité, autrement dit, n’est pas léser la liberté, mais la rendre possible, de façon certes plus malaisée que celle qui permet à l’insécurité de la rendre difficile. Mais quelles limites peuvent être mises entre la sécurité et le «tout-sécuritaire», entre la légitime protection et l’obsession «panoptique» du contrôle qui saisit un Etat à l’advenue de «situations-limites», telles des pandémies ou des attaques terroristes?

Robert Maggiori
© Les Rencontres Philosophiques de Monaco

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Informations Pratiques

Heure d'ouverture : 19h00
Date : jeudi 12 décembre 2024
Horaires d'ouverture

Autour de l'événement

CONFÉRENCE & RENCONTRE
Amour, désir et sexualité

Amour, désir et sexualité

16
Janv.
20 25
Un amour-passion, intense et brûlant, croissant de jour en jour, un désir toujours renouvelé, qui se retire un temps et revient plus puissant comme vague à marée montante, une sexualité épanouie, débridée et sans tabous, porteuse assidue de plaisirs et de jouissances inouïes… Associés, il rendraient tout le reste inessentiel, feraient de la vie un long fleuve joyeux. Mais le sont-ils vraiment? Il est rare que l’amour soit sans désir, mais il peut être sans sexualité, il est philia, il est agapé, il est caritas et ne s’engage pas forcément sur le chemin que lui ouvre eros. Le désir – dont on sait que l’origine signifie «cesser de contempler les astres», c’est-à-dire prendre acte de l’absence – meut l’amour et pousse au sexe, mais tout aussi bien au voyage, au travail, au sport, à la lecture, à la bonne chère et au bon vin, au travail même, comme à l’envie de ne rien faire. Quant à la sexualité, elle peut être sans amour, et même, mécanique, routinière, automatique, sans désir. Mais il est difficile de le reconnaître: tu ne m’aimes plus, dit-on – pour dire «tu n’as plus envie de moi», ou l’inverse, comme si aimer, désirer et jouir étaient synonymes. Le désir a tellement d’objets – tous manqués, sinon le désir cesserait de désirer – qu’il en devient tyrannique. L’amour tellement de formes qu’on n’en reconnaît plus aucune, sinon celle qui de toutes est l’invisible sous-bassement, et qui assurément les vicie: l’amour de soi, la philautie, ou pire encore, l’amour non de l’autre mais de l’amour lui-même. La sexualité est tellement ancrée dans les viscères du corps et les zones impénétrables de l’imaginaire et du fantasme qu’elle en devient «intransmissible», pas même capable d’établir un «rapport  sexuel», lequel, comme disait Lacan, n’existe pas, puisque les êtres humains demeurent, sur la plan de la jouissance sexuelle, «en exil», sans produire de partage, sans jamais faire Un avec l’Autre, le corps ne pouvant «se jouir» que comme Un sans l’Autre, auto-érotiquement. Aussi vouloir marier amour, désir et sexualité relève-t-il du rêve, de la tentative de construire des châteaux en Espagne avec des briques défectueuses et du ciment friable. Vision catastrophiste, qui est peu ou prou celle de chacun(e), mais qui n’empêche personne de tenter l’aventure, de vouloir aimer (bien que l’amour échappe à la volonté et arrive sans que nul ne l’ait décidé), de continuer à désirer  (bien qu’aucun désir ne soit jamais satisfait, sinon il mourrait) et de chercher à jouir (bien que la jouissance sexuelle soit le sceau de l’impossibilité d’être «avec» autrui).Mais on a beau dire que l’amour torture, que le désir enchaîne, que le sexe divise, rien n’y fait: chaque femme, chaque homme sait que les maux qu’il procurent font les chants les plus beaux, que sans amour, sans désir, sans plaisir l’existence serait un sombre tunnel d’où nul ne se sentirait capable de sortir – sauf ceux et celles qui aiment justement, capables de déplacer les montagnes, de creuser la terre à mains nues ou de voler comme les oiseaux.Robert Maggiori© Les Rencontres Philosophiques de Monaco
Proposé par : Rencontres Philosophiques de Monaco
Lieu : Théâtre Princesse Grace
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Tout public
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La zizanie – Dialogues, clivages et conflits

La zizanie – Dialogues, clivages et conflits

13
Mars
20 25
Le mot zizanie, y compris dans sa sonorité, a quelque chose de léger, d’enfantin, de drolatique: on ne l’attend pas lorsqu’on songe à la gravité des conflits qui agitent le monde d’aujourd’hui, aux crises, aux contestations violentes, aux meurtrières rivalités de clans, aux actes de barbarie, aux attaques terroristes, aux arasements de villes, aux bombardements et à la guerre de tranchée… Il évoque plutôt la bisbille, la brouille, la querelle. Les céréaliers ne l’entendent pas ainsi, car le nom est celui d’une plante – une graminée, du genre lolium, «enivrante» (Lolium temulentum) et envahissante comme le raygrass ou l’ivraie – qui a le pouvoir d’infester les champs de blé et, jadis, de ruiner les récoltes. Elle est un diable au fond, qui veut priver les bonnes gens de leur pain. Le paysan sème de bons grains dans son champ, mais un bougre, son ennemi, durant la nuit, y plante la zizanie. La grain mûrit, mais la mauvaise herbe aussi: comment arracher l’une sans déraciner l’autre? Il faut les laisser pousser ensemble: à la moisson seulement on arrachera la zizanie, la liera en gerbes, la brulera, et en emplira le grenier du bon blé. C’est cette parabole évangélique (Mathieu, 13, 24-30) qui va rendre la zizanie/ivraie célèbre, si on peut dire – en faire l’emblème du mal, si mêlé au bien qu’il en rend difficile la connaissance et l’exercice.Aujourd’hui ce n’est pas dans les champs de blé qu’est semée la zizanie, mais – sous forme de pommes de discorde, de motifs d’affrontements, de tensions, de dissensions, d’invectives haineuses… – dans le corps social et dans l’esprit du plus grand nombre. Aussi ne s’agira-t-il pas d’analyser les causes et les conséquences des conflits armés qui ensanglantent le monde, et l’Europe en particulier, mais de réfléchir à cette lèpre particulière qui a empoisonné les rapports entre les personnes, rendu les sociétés qu’on disait «liquides» plus dures, nerveuses, colériques, prêtes à exploser, transformé le dialogue social en bruit continu, en  cacophonie où seuls se distinguent les sons les plus aigus, les vociférations, les mots d’ordre les plus radicaux et simplistes, les appels les plus haineux, les arguments les plus absurdes, les anathèmes, les expressions de croyances et d’avis les plus invraisemblables… On ne saurait bien sûr nommer l’ «ennemi» – des sociétés démocratiques – qui a enfoui dans le sol social ces racines de chiendent, fautrices de chienlit. Et il serait sans doute trop évident d’évoquer le rôle des réseaux sociaux, dont il apparaît pourtant qu’ils ont subi une terrifiante (et, pour leurs propriétaires, très fructueuse) involution: originairement destinés à favoriser la libre communication et le dialogue «horizontal», tous azimuts, ils sont devenus des usines à boules d’acier, qui ne font qu’assembler verticalement des sphères dans lesquels vont volontairement s’enfermer tous ceux et celles qui, selon le type de bulle, sont du même avis, se confortent dans leurs croyances communes, aussi folles soient-elles, sans jamais se confronter aux monades superposées dans une colonne parallèle, tuant ainsi toute possibilité de confrontation et d’affinage d’idées dissemblables – en quoi consiste tout authentique dialogue. Mais sans doute l’ensemencement de zizanie doit-il être cherché en amont, dans la diffusion de l’idée que la vérité pouvait être une simple «option» – comme les vitres fumées pour une voiture ou le filtre HEPA pour un aspirateur –  que le «plus ou moins vrai», le vraisemblable, le «pas tout à fait faux» ou carrément le faux avaient autant de «valeur» et plus d’efficacité. Le blé des champs a commencé à pourrir quand est advenue l’ère de la post-vérité, laquelle a ouvert les vannes de la désinformation, des fakes, des complotismes, et tué le dialogue social lui-même. Qu’est un dialogue en effet, sinon la tentative de pousser la pensée, par reprises successives, à aller au plus près du réel, et donc d’approcher une vérité à travers (dia) la confrontation raisonnée, raisonnable, rationnelle des idées ou des théories – et établir un accord, une concorde? Or, si la vérité est «optionnelle», si le sophisme la vaut, si l’erreur, la fredaine, la bévue l’équivalent, si la fausse nouvelle est plus efficace et «impactante» que la vraie, tout pourra être ramené à un «avis», toute science sera opinion, toute statistique un «montage», tout raisonnement une entourloupe, tout accord un calcul, tout consensus un piège – bref, rien ne sera déligitimable, aucune propagande, aucune pression, aucune méthode d’«influence», aucun tour de passe-passe, aucune mystification, aucune âneries, aucun coup – abus de faiblesse, coups de poing et coups de batte – aucune prévarication, aucune violence, aucun harcèlement. A tel point que nul ne sait plus «quoi penser», qu’on n’ose plus «intervenir dans la conversation», craignant les tombereaux d’injures qui vont arriver quels que soient les propos tenus, qu’on se retire, muet, dans une sorte de désarroi – la maladie qui apparaît lorsqu’on ne sait plus «faire société».Robert Maggiori© Les Rencontres Philosophiques de Monaco
Proposé par : Rencontres Philosophiques de Monaco
Lieu : Théâtre Princesse Grace
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Tout public
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CONFÉRENCE & RENCONTRE
L’Identité

L’Identité

03
Avr.
20 25
Comme sur certains flacons de substances chimiques, sur le mot «Identité» est collée une étiquette: «Attention danger – Manier avec précaution». Jamais en effet une notion n’a été aussi apte à enflammer soudainement les esprits et provoquer non des prises-de-bec mais de véritables affrontements. Pourtant elle ne semble pas, de prime abord, toxique. L’identité, c’est tout ce qui rend une entité définissable et reconnaissable, au sens où elle possède un ensemble de qualités ou de caractéristiques qui la distingue d’autres entités. En d’autres termes, l’identité est ce qui rend deux choses une seule chose, «identiques» donc, ou bien les rend différentes. Dans les sciences sociales ou ethno-anthropologiques, le concept d’identité se relie, d’une part, à la façon dont un individu se considère et se construit lui-même en tant que membre de tel ou tel groupe social, nation, classe, religion, ethnie, genre, profession, etc., et, d’autre part, à la manière dont les normes qui régissent ces groupes lui permettent de se penser, se situer, se lier aux autres, aux groupes auxquels il appartient, et, par des voies parfois plus tortueuses, aux groupes «extérieurs», perçus comme altérité. Alors pourquoi est-il si sulfureux? Eh bien parce qu’on le saisit selon des modalités politiques différentes, des idéologies ou des «conceptions du monde» différentes. Dans une optique de droite, conservatrice, populiste ou souverainiste, l’identité sera définie comme un ensemble cohérent et soudé d’éléments normatifs partagés, «objectivement» déterminables et enracinés dans une longue tradition. Alors qu’une approche de gauche, plus progressiste, offrira  une conception plurielle et fragmentée de références objectives, qui servent à différencier individus ou sous-groupes et qui doivent être valorisés et respectés de façon inclusive: les identités relèvent alors de la reconnaissance des particularités revendiquées par chacun(e) ou de l’apparition de caractères mobiles qui jouent à un moment donné un rôle prévalent, la profession ou le genre, la religion ou les préférences axiologiques, l’activité sportive ou l’ethnie. Loin d’être une et cimentée dans la tradition, comme dans la premier cas, l’identité, dans le second, sera variable: je suis tantôt un professeur, tantôt un métis, tantôt un footballeur, tantôt un protestant, tantôt une personne timide, tantôt un cinéphile, etc…Ceci dit, il est bien d’autres façons de définir l’identité, selon les domaines considérés. En algèbre, notamment, elle sera l’égalité entre deux expressions qui se révèle valide quelles que soient les valeurs prises par les variables qui y apparaissent, par exemple: (x + y)2 = x 2 + y 2 + 2xy. En psychologie, l’identité est une des caractéristiques formelles du Moi, qui sent sa propre mêmeté et sa continuité dans le temps comme centre du champ de sa conscience, autrement dit le sens et la conscience de soi comme entité distincte et continue (qui peuvent se perdre dans certains troubles psychiatriques). Et ainsi de suite… L’identité est devenue une notion brûlante lorsqu’en sciences sociales on a commencé à parler d’identité collective, devant, entre autres, la réémergence de conflits ethniques dans maintes sociétés occidentales, entre les années 60 et 70, et l’apparition sur la scène sociale de mouvements dont la base était moins la classe sociale, comme le pronait le marxisme, que par exemple des différences générationnelles ou sexuelles, et qui exigeaient d’autres approches à la fois des logiques de l’action commune et des nouveaux liens d’appartenance. Les premières oppositions apparaissent alors: dans un camp, on entend l’identité collective comme quelque chose d’immuable, de «naturel», d’éternel, que l’on solidifie par l’édification de mythes et de symboles communs, des rites de célébration et des commémorations, de l’autre on la conçoit comme élaboration culturelle, contingente, comme construction historique, sujette au changement, à la «ré-formulation». Or, si l’identité renvoie à une «completude», à une «pureté» interne, elle impliquera le retrait, la protection, la méfiance, les frontières et les murs, l’éloignement et la mise à l’écart de toute altérité, de toute différence, la célébration du soi et la malédiction de tous les autres, les « ennemis », vécus comme menace mortifère, et dont l’intégration désintégrerait la communauté d’identiques. Mais si l’identité n’est ni «naturelle», ni substantielle, mais relationnelle, si elle a une matrice allogène, si elle est faite d’apports, d’intégrations, d’inclusions, de contributions souvent imprévisibles, d’hybridations, alors elle laissera le groupe, la communauté et la société toujours ouvertes, accueillantes, dynamisées par la présence des uns et des autres, aussi différents soient-ils.Robert Maggiori© Les Rencontres Philosophiques de Monaco
Proposé par : Rencontres Philosophiques de Monaco
Lieu : Théâtre Princesse Grace
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