Philosophy workshop: what does it mean to be in love?

Even in its sounds, there is something light, childlike and comical about the word zizanie (meaning "discord") – not something that you would expect when considering the severity of the conflicts that are currently shaking our world, the crises, the violent confrontations, the deadly clan rivalries, the acts of barbarism, the terrorist attacks, the razing of cities, the bombings and trench warfare... Bisbille (quarrel), brouille (feud), querelle (dispute) – these are the words that more immediately spring to mind. Cereal farmers do not see it that way, since the name also applies to a plant – a type of grass from the genus lolium, "intoxicating" (Lolium temulentum) and invasive, like ryegrass – which can infest wheat fields and has been known to ruin harvests. It is essentially a devil, seeking to deprive good people of their bread. Farmers sow good seed in their fields, but during the night a devil, the farmer’s enemy, plants some zizanie. The seeds mature, but so does the weed: how do you uproot one without disturbing the other? There is no choice but to let them grow together: only at harvest time will it be possible to pull out the zizanie, bind it into sheaves, burn it and fill the granary with good wheat. It is this parable from the Gospel (Matthew 13, 24–30) that will make zizanie famous, so to speak, by making it the symbol of evil, so intertwined with good that it rends the latter difficult to understand and practice.Today, it is not in the wheat fields that zizanie is being sown, but – in the form of points of contention, axes to grind, tensions, conflicts, hateful rhetoric and more – within the fabric of society and in the minds of very many people. Consequently, it is not a question of analysing the causes and consequences of the armed conflicts that are bringing bloodshed to the world, and to Europe in particular, but rather of reflecting on this particular leprosy that has poisoned interpersonal relationships, made societies that were said to be "liquid" harder, more nervous, angrier, ready to explode, that has transformed social dialogue into non-stop noise, a cacophony where only the sharpest sounds can be heard, the clamour, the most radical and simplistic slogans, the most hateful appeals, the most absurd arguments, the strongest curses, expressions of the most implausible beliefs and opinions... Of course, we cannot name the "enemy" – of democratic societies – which has sown the roots of this weed, the fault lines of havoc, in the soil of society. And it would probably be too obvious to mention the role of social media, which appear to have undergone a terrifying (yet very profitable for the owners) involution: originally intended to promote free communication and "horizontal" dialogue in all directions, they have become steel ball factories, simply vertically assembling spheres in which all those who, depending on the type of bubble, share the same opinion, take comfort in their shared beliefs, however crazy they may be, without ever confronting the monads superimposed in a parallel column, and thus killing any opportunity for confrontation or the refining of conflicting ideas, which is the basis of all authentic dialogue. But the sowing of zizanie, or discord, must undoubtedly be sought upstream, in the dissemination of the idea that truth could be a simple "option" – like tinted windows in a car or a HEPA filter for a vacuum cleaner – that the "more or less true", the plausible, the "not entirely false" or the outright false have as much value and greater effectiveness. The wheat in the fields began to rot with the advent of the post-truth era, which opened up the floodgates of disinformation, fakes and conspiracy theories, and killed social dialogue itself. What is a dialogue, in fact, if not an attempt to push thought, by successive repetitions, to get as close as possible to reality, and thus to approach a truth through (dia) the reasoned, reasonable, rational confrontation of ideas or theories – and establish an agreement, a concord? Or, if truth is "optional", if sophistry is as good as truth, if error, fudge and blunder are the same thing, if false news is more effective and "impactful" than the actual news, then everything can be reduced to an "opinion", every science will be an opinion, every statistic a "set-up", every piece of reasoning a trick, every agreement a calculation, every consensus a trap. In short, it will not be possible to delegitimize anything, no propaganda, no pressure, no method of "influence", no sleight of hand, no mystification, no nonsense, no trickery - abuse of weakness, punches and baseball bats - no prevarication, no violence, no harassment. To the extent that no one knows "what to think" anymore, when no one dares to "intervene in the conversation", fearing the heaps of insults that will come their way no matter what is said, when they withdraw, silent, in a kind of disarray – the sickness that appears when we no longer know how to "be in society".Robert Maggiori © Monaco Philosophical Encounters.

Comme sur certains flacons de substances chimiques, sur le mot «Identité» est collée une étiquette: «Attention danger – Manier avec précaution». Jamais en effet une notion n’a été aussi apte à enflammer soudainement les esprits et provoquer non des prises-de-bec mais de véritables affrontements. Pourtant elle ne semble pas, de prime abord, toxique. L’identité, c’est tout ce qui rend une entité définissable et reconnaissable, au sens où elle possède un ensemble de qualités ou de caractéristiques qui la distingue d’autres entités. En d’autres termes, l’identité est ce qui rend deux choses une seule chose, «identiques» donc, ou bien les rend différentes. Dans les sciences sociales ou ethno-anthropologiques, le concept d’identité se relie, d’une part, à la façon dont un individu se considère et se construit lui-même en tant que membre de tel ou tel groupe social, nation, classe, religion, ethnie, genre, profession, etc., et, d’autre part, à la manière dont les normes qui régissent ces groupes lui permettent de se penser, se situer, se lier aux autres, aux groupes auxquels il appartient, et, par des voies parfois plus tortueuses, aux groupes «extérieurs», perçus comme altérité. Alors pourquoi est-il si sulfureux? Eh bien parce qu’on le saisit selon des modalités politiques différentes, des idéologies ou des «conceptions du monde» différentes. Dans une optique de droite, conservatrice, populiste ou souverainiste, l’identité sera définie comme un ensemble cohérent et soudé d’éléments normatifs partagés, «objectivement» déterminables et enracinés dans une longue tradition. Alors qu’une approche de gauche, plus progressiste, offrira  une conception plurielle et fragmentée de références objectives, qui servent à différencier individus ou sous-groupes et qui doivent être valorisés et respectés de façon inclusive: les identités relèvent alors de la reconnaissance des particularités revendiquées par chacun(e) ou de l’apparition de caractères mobiles qui jouent à un moment donné un rôle prévalent, la profession ou le genre, la religion ou les préférences axiologiques, l’activité sportive ou l’ethnie. Loin d’être une et cimentée dans la tradition, comme dans la premier cas, l’identité, dans le second, sera variable: je suis tantôt un professeur, tantôt un métis, tantôt un footballeur, tantôt un protestant, tantôt une personne timide, tantôt un cinéphile, etc…Ceci dit, il est bien d’autres façons de définir l’identité, selon les domaines considérés. En algèbre, notamment, elle sera l’égalité entre deux expressions qui se révèle valide quelles que soient les valeurs prises par les variables qui y apparaissent, par exemple: (x + y)2 = x 2 + y 2 + 2xy. En psychologie, l’identité est une des caractéristiques formelles du Moi, qui sent sa propre mêmeté et sa continuité dans le temps comme centre du champ de sa conscience, autrement dit le sens et la conscience de soi comme entité distincte et continue (qui peuvent se perdre dans certains troubles psychiatriques). Et ainsi de suite… L’identité est devenue une notion brûlante lorsqu’en sciences sociales on a commencé à parler d’identité collective, devant, entre autres, la réémergence de conflits ethniques dans maintes sociétés occidentales, entre les années 60 et 70, et l’apparition sur la scène sociale de mouvements dont la base était moins la classe sociale, comme le pronait le marxisme, que par exemple des différences générationnelles ou sexuelles, et qui exigeaient d’autres approches à la fois des logiques de l’action commune et des nouveaux liens d’appartenance. Les premières oppositions apparaissent alors: dans un camp, on entend l’identité collective comme quelque chose d’immuable, de «naturel», d’éternel, que l’on solidifie par l’édification de mythes et de symboles communs, des rites de célébration et des commémorations, de l’autre on la conçoit comme élaboration culturelle, contingente, comme construction historique, sujette au changement, à la «ré-formulation». Or, si l’identité renvoie à une «completude», à une «pureté» interne, elle impliquera le retrait, la protection, la méfiance, les frontières et les murs, l’éloignement et la mise à l’écart de toute altérité, de toute différence, la célébration du soi et la malédiction de tous les autres, les « ennemis », vécus comme menace mortifère, et dont l’intégration désintégrerait la communauté d’identiques. Mais si l’identité n’est ni «naturelle», ni substantielle, mais relationnelle, si elle a une matrice allogène, si elle est faite d’apports, d’intégrations, d’inclusions, de contributions souvent imprévisibles, d’hybridations, alors elle laissera le groupe, la communauté et la société toujours ouvertes, accueillantes, dynamisées par la présence des uns et des autres, aussi différents soient-ils.Robert Maggiori© Les Rencontres Philosophiques de Monaco